La réception critique de l’œuvre d’Emine Sevgi Özdamar s’est principalement concentrée à ce jour sur des aspects comme la langue, le corps, le théâtre, la migration ou encore la dimension autobiographique. Depuis quelques années cependant, après le relatif silence de l’autrice, la parution de sa somme romanesque Ein von Schatten begrenzter Raum (2021) et une consécration renforcée (Georg-Büchner-Preis, Schillerpreis, Bayerischer Buchpreis, Düsseldorfer Literaturpreis, Manès-Sperber-Preis) incitent à renouveler les perspectives sur son œuvre. En portant l’attention sur les façons dont Özdamar se situe par l’écriture dans un réseau collectif, on tentera d’approfondir la réflexion sur le « je » de ses textes qui n’est jamais surplombant mais ne cesse d’accueillir d’autres voix, (re)donnant la parole aux morts, aux compagnons de route, aux figures tutélaires, aux « sans-voix », et ouvrant ainsi la scène énonciative à la choralité et à la mémoire, aux mémoires.