Qu’on se représente Marcel Proust installé dans un théâtre. La pièce donnée sur scène est ennuyeuse. Pendant ce temps il songe à l’éventualité que ce théâtre prenne feu. Voilà que dans l’obscurité de cette salle les lumières bleues qui balisent les issues de secours deviennent fort intéressantes. Ainsi vivons-nous de nos jours comme dans une mauvaise pièce de théâtre sans pouvoir distinguer si le théâtre brûle déjà. Au musée, quand nous contemplons Le Radeau de la Méduse, nous y sommes embarqués depuis longtemps.

Notre époque est inquiétante parce que la frontière entre le réel et l’irréel s’estompe. Tel est le sujet du deuxième tome de Chronique des sentiments Livre II - Inquiétance du temps (P.O.L 2018), dont Alexander Kluge lira des extraits, accompagné d’une bande sonore et de la projection de courts-métrages. Jean-Yves Jouannais, auteur de MOAB (Mother of all battles) (Grasset 2018, à paraître), participera également à cette lecture. Les deux auteurs liront des extraits de leurs ouvrages pour en débattre. Leur coopération est un exemple pragmatique du pont transrhénan, projet que Heinrich Heine a défendu passionnément sa vie durant.